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mercredi 29 octobre 2014

Tour d'horizon politique et social: le Chili en 2013

Note: J'avais commencé à écrire cette entrée en mai 2013.

Le Chili est un pays de contrastes qui traîne une histoire mouvementée et semble aujourd'hui se trouver à la croisée des chemins. En fait, c'est fascinant de voir à quel point le pays est présentement en ébullition!

En 3 mois à Santiago, voilà le constat que je ferais si on me demandais de décrire le pays tel qu'il est aujourd'hui. Ça décrit aussi bien le Chilien typique. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi dans ce message.

D'abord, les contrastes. Historiquement, la société chilienne a toujours été très divisée à tous les niveaux, et on le voit encore aujourd'hui. À cause de ses ressources naturelles, le Chili est un pays riche. C'est aussi un pays capitaliste (et comment!) en bonne santé économique, un chef de file à ce titre en Amérique du Sud et un pro du libre-échange. Pourtant, c'est aussi l'un des pays les plus inégalitaires des Amériques. Ce qui donne une société qui ressemble à celle des États-Unis: une minorité de très riches, beaucoup de pauvres et une classe moyenne coincée entre les deux, plus riche que les plus indigents mais cependant beaucoup plus pauvre  (et nettement plus endettée) que ceux qui ont les moyens de se payer une villa à Vitacura, le quartier le plus huppé de Santiago. D'autant plus que la richesse du pays fait augmenter le coût de la vie (avec des prix à la consommation équivalents à ceux du Canada) sans que les salaires ne montent pour autant. Prenez mon ami Tirso, par exemple, chez qui j'ai habité pendant deux semaines avant de me trouver un appart. Tirso est technicien photo/vidéo dans un institut d'enseignement technique affiliée à une bonne université de Santiago (n.b.: Tirso a depuis changé d'emploi!). Ce qu'il gagne lui permet d'avoir un train de vie modeste mais très correct, notamment de pouvoir bénéficier d'un petit appartement moderne dans un édifice avec gardien et piscine et de pouvoir se payer quelques extras de temps à autre, comme d'aller manger dans un bon restaurent ou aller voir un show de musique, parce qu'il n'a pas d'auto. Pourtant, pour pouvoir économiser un peu, Tirso fait comme bon nombre de Chiliens et travaille on the side: les samedis, il est photographe dans des mariages. Ça, c'est "nada del otro mundo" (rien d'extraordinaire) pour les Chiliens! Bref, la classe moyenne subit une très forte pression au Chili. D'autant plus que les prix élevés pour tout encouragent l'endettement: chaque magasin propose ainsi des cartes de crédit maison avec lesquelles on peut payer (et avoir des rabais) sur plusieurs versements pour des choses aussi banales que l'épicerie  quand on n'a pas l'argent. Le contraste avec les familles riches de Las Condes/Providencia/Vitacura est frappant. J'ai été invité par un Chilien que j'avais connu au Québec à une fête dans le bungalow de ses parents à Las Condes (j'y ai d'ailleurs eu pas mal de fun!). L'endroit n'avait rien à envier à n'importe quelle maison de banlieue de chez nous, une demeure bien meublée, une voiture, une cour... bref, on se serait cru à Ste-Thérèse! Dans le quartier des affaires de Las Condes, on se croirait plutôt à New York, avec les businessmen pressés en costume, les hautes tours, les centres d'achats, les voitures luxueuses... Dès qu'on traverse la ligne imaginaire formée par la Plaza Italia, en plein centre de Santiago, là on se croirait économiquement plus en Argentine ou en Uruguay, et plus on va à l'est, plus on a l'impression d'être en Bolivie. L'argent, à Santiago, coule dans le même sens que le Rio Mapocho, la rivière chétive et fétide qui traverse Santiago: des Andes à l'ouest vers les poblaciones pauvres de l'est. 

L'inégalité dont je vous parle se transpose naturellement au niveau politique. Depuis les années 1960, le clivage gauche-droite est très marqué au Chili. Les familles riches ont toujours dominé le pays. Leurs valeurs conservatrices (famille et religion, surtout) imprègnent encore très fortement le Chili (exemple parmi d'autre, le divorce n'est légal au Chili que depuis 2004!). Sous eux, les masses (paysans, ouvriers, classe moyenne) ont longtemps accepté cet état de fait. Les disparités économiques ont néanmoins mené à une opposition aux élites traditionnelles dans les années 60, cristallisées par l'élection du socialiste Salvador Allende.  La réaction des élites conservatrices a été virulente: coup d'État sanglant de l'armée installant au pouvoir le régime criminel de Pinochet (extrême-droite). Aujourd'hui, les conservateurs sont de retour après une phase plus à gauche suite à la fin de la dictature (note: avec le retour de Bachelet, le centre-gauche est revenu au pouvoir maintenant!). Néanmoins, la société continue d'être divisée: les manifestations étudiantes, qui essaient de faire craquer le vernis conservateur de la société, en sont un bon exemple. La revalorisation de la culture Mapuche en est un autre. Ce peuple autochtone du Sud du pays qui a toujours défié les Espagnols puis les Chiliens a historiquement été marginalisé, mais on assiste aujourd'hui, dans les milieux progressistes, à un intérêt renouvelé pour leur héritage. La proprio de notre appart, Loreta, et son copain sont caractéristiques de ce nouveau Chili ouvert, qui soutient les luttes étudiantes, fustige le conservatisme et les dogmes religieux... Mais à droite, la résistance est forte! Soit dit en passant, Pinochet (surnommé "el Tata", i.e. un mot gentil pour dire "grand-père" en argot chilien) a encore ses fans dans les cercles de droite...

Les Chiliens ressemblent aux Américains non seulement sur le fait que leur société est inégalitaire, mais aussi quant à leur individualisme (une caractéristique qui est aussi très Canadienne/Québécoise). Ça, c'est une bonne différence avec le reste des pays d'Amérique latine, où le côté "communauté tissée serrée" prime souvent. À preuve, le capitalisme exacerbé qui caractérise le pays, basé sur le concept "tu n'as à payer que ce que utilises, et tu n'as pas à payer pour les autres". En outre, ailleurs en Amérique du Sud, les gens vont d'emblée t'aborder. Les Chiliens ne sont pas comme ça: si tu ne leur parle pas, ils ne t'aborderont pas...

Voilà pour ce bref tour d'horizon socio-politique! À bientôt!

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