Salut salut!
Il y a un aspect important de mon passage au Chili que je n'avais pas encore abordé: mon travail à titre de stagiaire auprès d'une organisation internationale basée à Santiago.
Dit comme ça, ça en jette, non?
Mais soyons sérieux et commençons par le commencement. Début automne 2012, avant de partir faire ma session d'études au Chili, je réalise que je devrai faire mon stage pour compléter ma maîtrise tout juste après avoir terminé mes cours et mon essai, soit dans quelques mois. (N.B.: à l'époque, j'étais jeune et fou et je pensais naïvement que j'allais finir mon essai en décembre 2012. C'était le bon temps.). Je venais aussi de recevoir mon horaire pour ma session au Chili, et je m'apercevais que je n'avais que 6h de cours par semaine, ce qui, j'en étais sûr, allait me laisser amplement de temps libre (décidément, j'étais vraiment un indécrottable optimiste). Et tout à coup il me vient une idée de génie: pourquoi ne pas profiter de mon passage au Chili pour faire à la fois ma dernière session d'études ET mon stage de fin de maîtrise? Certains amis à moi avaient effectué des stages à l'ambassade du Canada à Santiago : pourquoi pas moi? J'aurais juste à leur préciser que je suis disponible à temps partiel, et tout pourra s'arranger...
L'idée fait son chemin. Avec l'aide de la conseillère responsable des stages de mon programme, je constate en plus que deux concours sont ouverts pour un stage à l'ambassade de Santiago (non-payés, mais bon, bienvenue dans le merveilleux monde des stages à l'étrangers... et aussi du marché de l'emploi actuel pour les jeunes). Je postule, je suis pris en entrevue... mais finalement je ne suis pas pris, justement parce qu'ils cherchaient quelqu'un à temps plein et que je ne pouvais leur offrir que du temps partiel.
(Note: avec le recul, c'est une excellente chose que je n'aie pas été pris. C'était une TRÈS mauvaise idée de vouloir combiner session d'études et stage en quatre-cinq mois. Côté temps, juste avec l'essai et les travaux que je devais faire pour l'université, ça n'aurait JAMAIS marché. Mais ça, insouciant tata que j'étais, je ne le savais pas à ce moment-là.)
Bref, l'ambassade me dit tout de même de rester en contact avec eux, en me disant que c'est possible qu'ils aient aussi des stages à temps partiel quand je serai au Chili. Ils m'invitent à leur écrire à nouveau juste avant mon départ pour le Chili. Ce que je fais.
"On n'a pas de stage pour toi", qu'ils me répondent par courriel, "mais par contre, que dirais-tu de faire un stage avec le Congrès national chilien? Ils cherchent des étudiants canadiens (gratis, naturellement) pour travailler à temps partiel sur le thème de la transparence gouvernementale. Ça t'intéresse? Si oui, on te mettra en contact avec le Chilien qui s'occupe de tout ça."
Travailler pour l'équivalent de l'Assemblée nationale au Chili? Mets-en que ça m'intéresse!!! Cela dit, il faut voir si les tâches sont en soi d'intérêt pour moi et si je peux vraiment travailler à temps partiel. Je dis à l'ambassade de me mettre en contact avec le Chilien en question pour avoir plus de détails et j'envoie mon CV. Ledit Chilien me récrit rapidement pour me dire qu'il veut me rencontrer dès mon arrivée à Santiago, question que je commence à l'aider à travailler sur ses dossiers. Pas d'entrevue, rien: j'avais déjà le stage! Sans information, par contre, mais bon...
Et c'est comme ça que j'ai commencé à travailler pour Me Juan Pablo Olmedo, un avocat chilien qui, en sus de ses fonctions premières, agissait comme mandataire du Congrès national chilien sur la question de la transparence parlementaire.
Santiago, deux semaines après mon arrivée. Après quelques échanges de courriel, Juan Pablo m'invite à le rencontrer pour qu'il puisse m'expliquer ce que je devrai faire dans les prochains mois. C'était nécessaire parce que, jusqu'ici, très peu de détails sur mes nouvelles fonctions m'avaient été communiqués et, soyons francs, tout cela restait très nébuleux pour moi. Juan Pablo me convoque à 14h à son bureau, situé dans un édifice commercial du chic quartier de Las Condes. Je me présente à son étincelant bureau d'avocats et le réceptionniste m'invite à patienter sur l'une des chaises en attendant l'arrivée du maître des lieux. Évidemment, puisque je suis arrivé avec 5 minutes d'avance. Réflexe de novice de la part d'un Nord-Américain qui accorde de l'importance à la ponctualité, dans un pays (et un continent) où tout le monde est toujours en retard!
Pendant que j'attends, je me passe la remarque que, s'il y a bien quelque chose qui n'est pas dépaysant partout dans le monde, c'est bien les bureaux d'affaires des entreprises de services professionnels. J'aurais pu être à Montréal, à Singapour ou à Berlin, ce bureau aurait très bien pu s'y retrouver, avec ses beaux tapis, ses grandes salles de réunions modernes, ses portes en bois ouvragées et ce réceptionniste tiré à quatre épingles calé derrière son ordinateur posé sur une haute table en verre poli (avec le logo du cabinet)... Enfin, après 15-20 minutes d'attente, un grand homme en chemise à l'air soucieux, la quarantaine, sort en coup de vent de son bureau. Juan Pablo se dirige vers moi, me salue, puis me dit: "As-tu dîné? Oui? Ah, pas moi. Viens, on va prendre un café.".
D'accord. J'avais oublié qu'ici, on dîne tard! Je m'attendais à une réunion de travail, pas à un dîner/café d'affaires! On se retrouve donc sur la terrasse d'un petit café situé en face du bureau. Juan Pablo commande de manière expéditive un sandwich, me paie un café, sort une cigarette et se met à fumer tout en pianotant sur son téléphone. Entre deux bouffées et bouchées, il me commence à m'expliquer ce qu'il attend de moi. Son débit est rapide, son accent chilien est solide et il parle sans cesse: bref, il n'est pas facile à comprendre. Pas de doute, Juan Pablo Olmedo est un homme pressé, très occupé et qui, définitivement, est un grand extraverti de nature. Un gars qui ne s'en laisse pas facilement imposer (mais qui par contre en impose aux autres), sûr de lui, qui sait où il s'en va: la caricature d'un certain type d'avocat!
Juan Pablo m'apprend qu'il est le secrétaire général et unique employé du (prenez votre souffle) Réseau parlementaire interaméricain pour la transparence, l'accès à l'information publique et la probité (Red Parlamentaria Interamericana de
Transparencia, Acceso a Información Pública y Probidad). Cette nouvelle organisation, fondée en 2012 à l'initiative du Congrès national chilien, se veut un forum latino-américain visant à rendre les parlements plus ouverts (dans le sens de rendre davantage d'information accessible au grand public) et à lutter contre la corruption. Des députés de différents gouvernements d'Amérique latine en font partie, de même que des ONG locales et internationales. Juan Pablo veut que je l'aide dans différentes tâches liées, notamment, à l'organisation de la prochaine réunion du Réseau en Colombie, au contenu du site web (censé être mis sur pied bientôt) et à diverses autres tâches ponctuelles de soutien.
Tout cela est bien beau, mais concrètement, que suis-je censé faire? Réponses vagues. Pour tout vous dire, le Réseau était naissant, et Juan Pablo lui-même ne semblait pas tout à fait certain du travail à faire. En fait il avait beaucoup de projets pour le Réseau, mais ceux-ci étaient difficiles à transposer en initiatives pratiques. L'impression qui se dégageait de mon premier entretien avec lui était donc qu'il ne savait pas trop quoi me faire faire précisément maintenant, mais que pas de stress, ça viendrait et les choses se placeraient. Et en effet: au cours de ma session au Chili, il pouvait parfois se passer une semaine ou deux sans que Juan Pablo ne me confie de mandats précis, puis tout à coup quelque chose d'urgent surgissait, du genre la production d'un document que je devais lui remettre "a la brevedad" i.e. dans les plus brefs délais! Bienvenue dans le monde du travail, saveur Amérique latine!
À la fin de notre entretien, Juan Pablo m'a laissé en regagnant en vitesse son bureau. Nous avons convenu de nous rencontrer hebdomadairement pour faire le suivi des dossiers, ce qui a eu lieu à maintes reprises par la suite, la plupart du temps à son bureau, ou encore dans un café des environs. Toujours en vitesse, je n'ai jamais rencontré Juan Pablo sans qu'il ne semble hyper pressé! J'ai aussi pu connaitre au fil des rencontres sa gentille adjointe Carolina Matta.
Au final, le stage a été assez intéressant. Voici certaines des tâches que j'ai eues à faire :
- Rédaction d'un bref document de présentation du Réseau, destiné au site Internet à venir (finalement le site Internet n'a pas été mis sur pied quand j'étais au Chili, et je ne suis pas certain que ce travail ait servi, mais bon)
- Traduction de l'espagnol à l'anglais d'un long discours du Sénateur Hernan Larrain, élu chilien en charge du Réseau. Le sénateur Larrain allait aux États-Unis pour présenter à un think tank américain les initiatives du Chili en matière de transparence parlementaire, dont les activités du Réseau, et Juan Pablo m'a mis en charge de faire la traduction du discours. Bien qu'il s'agisse d'une tâche plus cléricale, c'était quand même un beau défi de traduire quelque chose de ma 3e langue à ma 2e! J'étais assez content du résultat, et il faut croire que le sénateur aussi puisqu'il a prononcé le tout dans son entièreté lors de son passage aux États-Unis!
- Tentatives d'établir des collaborations entre le Réseau et des institutions canadiennes: ça, c'était le dada de Juan Pablo, et c'est d'ailleurs pourquoi il était en contact avec l'ambassade du Canada (et que j'étais là au Chili à tenter de l'aider). L'affaire, c'est qu'il ne savait pas trop ce qu'il voulait ni à quelle porte cogner, et moi non plus à plus forte raison. En plus, disons qu'à titre d'étudiant je ne disposais pas d'un réseau particulièrement impressionnant dans le domaine de la transparence parlementaire! Les réflexions de Juan Pablo m'ont amené à me concerter avec l'ambassade du Canada au Chili, dont j'ai rencontré certains employés (je vous en reparlerai) de même qu'avec le Centre d'études interaméricaines de l'Université Laval où je travaillais en temps qu'assistant de recherche. Finalement, Juan Pablo a fini par arrêter son choix sur ParlAmericas, une institution intergouvernementale mise sur pied par le Canada pour faire le lien entre les différents parlementaires des Amériques. À la demande de Juan Pablo, j'ai organisé une rencontre par Skype entre ce dernier et la directrice de ParlAmericas, et je me suis occupé des suivis par la suite (le tout nécessitant une autre rencontre Skype réunissant la directrice et moi). Je ne sais pas si des liens durables ont finalement été forgés entre le Réseau et ParlAmericas, mais j'ai du moins contribué à les faire naître!
- Visite du parlement et du Sénat à Valparaiso: je ne vous en dis pas plus, je vous en reparlerai!
- Et d'autres petits trucs ad hoc.
En somme, ce stage m'a ouvert les yeux sur le monde du travail au Chili, tout en m'offrant l'extraordinaire possibilité de travailler, ne serait-ce que brièvement, dans le domaine des relations internationales à l'étranger. J'ai pu y côtoyer des diplomates, des parlementaires et des représentants d'ONG internationales, et voir quel genre de travail ils pouvaient effectuer au quotidien. Si les tâches que j'avais à faire n'étaient pas toujours si excitantes et que j'avais fréquemment l'impression de ne pas trop savoir où on s'en allait avec tout ça, ça a quand même (et peut-être justement pour ça) été une expérience très enrichissante du point de vue personnel et professionnel! Je n'avais pas de compétences particulières dans le domaine de la transparence parlementaire, mais ça m'a permis de m'y initier. Le tout à coût nul, puisque bien que je n'étais pas payé, j'étais déjà à Santiago pour mes études. Bref, un ajout intéressant à mon bagage d'expérience en relations internationales!
À bientôt!
L'irréductible se régale avec ces pans de ton stage que tu dévoiles assez longtemps après les avoir vécus pour en apprécier la valeur globale, même avec les hésitations et les tâtonnements. Vivement les suites promises!
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